Il y a 20 ans le 8 janvier 2016, un homme d`état et ancien
chef d’état disparaissait à Paris le 8 janvier 1996, âgé de 80 ans. Il avait présidé
aux destinées de la France pendant 14 ans du fait d`avoir rempli deux mandats
présidentiels, (1981-1988 et 1988-1995).
Cet homme qui
avait pour nom François Maurice AdrienMarie Mitterrand – car c`est de lui
qu`il s`agit - a profondémment marqué son pays, tout comme il a marqué l`Afrique,
continent avec lequel la France a toujours entretenu des relations
privilégiées. Mais au fond, qui était François Mitterrand, sinon une
personnalité qui bien que proche des français et du monde entier, reste tout de
même un mystère difficile à percer – bref, un sphinx.
La
Journaliste Enquêteuse Catherine Nay mène alors une enquête minutieuse et
découvre en Mitterrand non pas une seule personnalité comme on devait s`y
attendre, mais sept. Vingt ans après sa disparition, la personnalité de l`homme reste indiscernable, insaisissable, impénétrable, fugace et énigmatique.
L`ouvrage de Catherine Nay, Les Sept Mitterrand, paru en 1988 chez Grasset – soit au terme du
premier septennat du président français, brosse le portrait d`un homme tantôt
d`une idéologie inébranlable, d`engagements partisans profonds, et d`une
obstination rigide et rigoureuse lorsqu`il s`agit de faire certains choix; et
tantôt d`un homme opportuniste, voir egoïste, un homme qui sait se plier aux
circonstances qui s`imposent et enfin un homme qui est en mesure de rebrousser
chemin en fonction de la conjoncture.
Bref, aux yeux de Catherine Nay, François Mitterrand, de par le comportement et les réactions qu`il
affichent face à des circonstances et à des événements, incarne à la fois Léon Blum (français d`origine juive et ancien
premier ministre), Camille Chautemps (ancien Président du Conseil des Ministres
Français), Ronald Reagan (ancien Président des Etats Unis), Charles de Gaulle
(ancien Chef d`Etat Français), L`Empereur romain Auguste, et pour terminer, un
“père de la nation” canonisé de son vivant, ou encore l`Arbitre (sifflet à la
bouche) qui est censé jouer un rôle neutre dans le sens d`être intègre,
consistant et au-dessus de tout soupçon. Mais joue-t-il vraiment ce rôle?
Notons en passant que pour donner de l`effet aux différentes
appellations que l`auteure colle à Mitterrand, elle se livre à un jeu sur les
mots qui est composé du prénom de François Mitterrand lié par un trait d`union
au prénom de chacune des personnalités citées ci-haut, formant ainsi des noms
composés. C`est ainsi que François Mitterrand devient Francois-Léon Blum, François-Ronald
Reagan, et François-Charles de Gaulle, pour n`en citer que ceux-là.
0n le voit bien, le Mitterrand que nous présente Catherine
Nay est un Mitterrand composite, disparate, mêlé, et peu homogène; et par
conséquent, imprévisible, inattendu et déroutant. Cette inconstance de l`ancien
président a donné naissance au vocable de “ninisme” qui est un néologisme que
le dictionnaire en ligne Linternaute
définit comme “utilisation contradictoire, dans une allocution, du "ni...
ni...”, le terme moqueur, ayant été inventé par les éditorialistes en
mars 1988 – à l'aube d'une nouvelle campagne présidentielle –, mais
l'idée initiale (dialectique, voire politique) est de François
Mitterrand…Il annonce, dans la foulée, qu'il n'entend pas se lancer `dans
une bataille sur de nouvelles nationalisations`, mais qu'il souhaite en finir avec 'la contagion des
privatisations' : 'Ni l'une ni l'autre de ces réformes ne peut être
d'actualité.`.”
Linternaute de poursuivre: Le phénomène du
“ninisme” n`est nullement nouveau car il a comme précurseur, la “palinodie” qui
toujours selon Linternaute, dans
l`antiquité, “désignait un poème en contradiction avec celui précédemment
déclamé. Depuis le XIXe siècle, le terme – employé au pluriel et
surtout appliqué au discours des hommes politiques – signifie un `changement
d'opinion`. En 1898, Octave Mirbeau signait une chronique dans L'Aurore intitulée
"Palinodies”: `À aucune époque de
mon existence, et même au plus de mes 'palinodies', je ne variai jamais sur la
conviction où je suis de la prodigieuse stupidité de M. Henri Rochefort, et de
sa canaillerie plus prodigieuse encore." On peut donc conclure que le vocablee
signifie l`inconstance, l`abandon, le lâchage, le volte-face et le retournement
de veste, voire la déloyauté, l`infidélité et la trahison pure et simple.
Jugez plutôt! En l`espace de deux septennats – soit 14 ans
plus ou moins – Mitterrand a nommé 7 premiers ministres; c`est-à-dire en
moyenne un premier ministre tous les deux ans – ce qui est un peu trop. Il
s`agit de Pierre Mauroy (1981-1984), Laurent Fabius (1984-1986), Jacques Chirac
(1986-1988), Michel Rocard (1988-1991), Edith Cresson (1991-1992), Pierre
Bérégovoy (1992-1993), et Edouard Balladur (1993-1995).
La fin du double septennat de François Mitterrand a été marquée par des
révélations alarmantes sur son passé, lesquelles révélations ont éclaté après son décès. Jacques Attali qui fut son "Conseiller Spécial" a publié un livre intitulé Demain Qui Gouvernera le Monde, que la
librairie en ligne Amazon, résume en ces termes: “Un jour
l’humanité comprendra qu’elle a tout à gagner à se rassembler autour d’un
gouvernement démocratique du monde, dépassant les intérêts des nations les plus
puissantes, protégeant l’identité de chaque civilisation et gérant au mieux les
intérêts de l’humanité.” L`on y voit l`implication de Mitterrand lorsque l`on
comprend que le même type de gouvernement universaliste et futuriste est évoqué
dans une interview donnée au magazine New
Look par Ian Aywon( fondateur de PSY MUSIC, un art associant musique et
spiritualité universelle) et et que
Aywon et Attali se côtoyaient. Aywon va plus loin en
laissant entendre que le livre de Dan Brown, Da Messie Code, vendu a plus de 82 millions d`exemplaires “avait
pour mission secrète de médiatiser Paris, Le Louvre et La Pyramide edifiée par François Mitterrand que certains nommaient
alors `le sphinx` ou le Florentin` (allusion au génial Machiavel né à Florence).”
Nicolas Bonnal a aussi publié Mitterrand le Grand
Initié, dans lequel il parle d`un nouveau
monde de Mitterrand qui “intégrant symboles et éléments de croyance empruntés
aux religions traditionnelles (nous conduisant jusqu`à l`Egypte pharaonique) élabore
une sorte de religion de l'homme débarrassée de tout dogme”(synthèse d`Amazon).
De même, le livre
de François Malye et
Benjamin Stora intitulé François Mitterrand et la
Guerre d`Algérie paru chez Calmann-Lévy en 2010 dévoile un passé de Mitterrand pendant
lequel en sa qualité de Garde des Sceaux pendant la Guerre d`Algérie, il refuse la grâce de 45 combattants algériens qui seront par conséquent guillotinés.
De tous les scandales qui ont secoué la vie politique – voire
la vie toute entière – de François Mitterrand, aucun n`aura selon toute
vraisemblance été aussi fracassant, aussi retentissant et aussi houleux que celui
touchant à ce qui a été appellé sa “double vie conjugale”. En effet, le président
français menait deux vies conjugales, dont l`une avec Danielle Mitterrand, épouse
légitime et Première Dame de France – et Anne Pingeot, fille d`un ami de
province que ce dernier lui avait demandé de “chaperonner”(les propos du père) lorsqu`elle était partie faire ses études à
Paris. Malgré l`écart d`âge entre elle et le président – Mitterrand est son aïné
de 27 ans – ils tombent amoureux l`un de l`autre et font un enfant qui prend le
nom de Mazarine Pingeon. Chose intéressante, à la naissance de Mazarine,
Mitterrand a déjà 58 ans. Autre fait marquant, Mazarine ressemble beaucoup plus
physiquement à son père que les autres enfants que Mitterrand a faits avec
Danielle. Pendant des années, Anne et Mazarine vivront à l`écart, en cachette,
mais fréquentées en catinimi par Mitterrand.
Mazarine dira de cette douloureuse expérience dans son livre,
Bouche Cousue, paru en 2005 chez
Julliard: “Contrainte de me taire, de ne pas exister aux yeux des autres, de
n`avoir pas de nom, de n`avoir pas de père, et pas même de père imaginaire
puisque le vrai existe bel et bien, je le protège en taisant son identité.”
Loin de la France, la personnalité de François Mitterrand a
aussi joué sur l`Afrique, car comme le Général Charles de Gaulle, Mitterrand a également
marqué les relations entre la France et ce grand continent. Qui ne se souvient
pas du fameux discours de La Baule (La Baule-Escoublac est une commune française
dans le départment de La Loire-Atlantique en Région Pays de la Loire)?
S`adressant à 37 Chef d`Etat et de gouvernement africains réunis à La Baule
pour la 16e conférence des
chefs d’État d’Afrique et de France en 1990 , Mitterrand lançe sur un ton défiant
et ironique: “Le souffle de la démocratie fera le tour de la planète”. Il leur
prône un système de gouvernement représentatif, une ouverture démocratique, la
transparence, des élections libres et l`adoption du multipartisme, faute de
quoi l`aide de la France en faveur de ces pays serait interrompue purement et
simplement. Il s`agissait là de quoi mettre ses hôtes africains mal à l`aise, étant
donné que bon nombre d`entre eux étaient au pouvoir depuis des décennies et selon
toute vraisemblance n`avaient pas l`intention de passer la main.
L`histoire se souviendra sans
doute du bras de fer engagé entre le Président Français et son homologue burkinabé
de l`époque le Capitaine Thomas Sankara
– nous sommes en 1986 – lorsque de retour du Sommet France-Afrique de Lomé,
Mitterrand attérit à Ouagadougou pour une visite de courtoisie. Au diner de
gala qu`il offre à son hôte, Sankara écarte le discours convenu de bienvenue et
se met à fustiger la France: ses relations avec les anciennes colonies, le
colonialisme, l`apartheid, les relations nord-sud, la souffrance des
palestiniens, etc. C`est une veritable levée de boucliers! La riposte de
Mitterrand est une réplique cinglante improvisée dans laquelle il livre au
jeune président burkinabé un cours de géopolitique à la fois ironique et
franche.
Telle est la personnalité qui est
analysée dans Les Sept Mitterrand de Catherine Nay. A y regarder
de plus près, force est de constater que l`auteure de l`ouvrage est bien placée
pour le faire. Journaliste de carrière, elle a roulé sa bosse dans un grand
nombre d`organes de presse de marque français. Elle a fréquenté le milieu
politique parisien et elle a côtoyé les grosses pointures du milieu politique
français. Qui plus est, elle n`est nullement à son premier ouvrage politique,
ayant à son actif, cinq autres. Déjà en 1984 elle avait publié un autre livre
sur François Mitterrand, Le Noir et Le Rouge (Grasset) dans lequel elle
s`attachait à percer la vérité du président dont la personnalité semblait échapper
au peuple français. Ses autres livres sont La Double Méprise (Grasset
1980) dans lequel elle oppose Valery Giscard d`Estaing à Jacques Chirac, Le
Dauphin et le Régent (Grasset 1994) qui porte sur Edouard Balladur et
Jacques Chirac, Un Pouvoir Nommé Désir (Grasset 2007) dans lequel elle
explore les origines de Nicolas Sarkozy, et L`Impétueux (Grasset 2012),
ouvrage qui peint le portrait d`un Sarkozy redevenu candidat à son ancien poste
de président de la République française. Les Sept Mitterrand est à lire à
tout prix et par tous les moyens.